Nouvelle convention fiscale entre la Chine et la France signée en 2013

La France et la Chine ont signé le 26 novembre 2013 à Pékin un nouvel accord (ci-après « Accord ») et protocole d’application en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

 

Une fois entrée en vigueur, en principe début 2015, cet Accord remplacera la convention fiscale actuelle signée en 1984 (ci-après « Accord de 1984 »).  Si cet Accord présente de nouveaux avantages fiscaux, il n’en génèrera pas moins des difficultés lors de sa mise en application.  Cet Accord prévoit des taux de retenue à la source sur les dividendes  plus faibles, clarifie le périmètre d’imposition  sur les bénéfices des « partnerships », et assouplit les dispositions relatives à la consitution d’un « établissement stable ». En outre, conformément à l’orientation de la politique fiscale en Chine et en France au cours des dernières années, cet Accord introduit de nouvelles dispositions afin de lutter contre l’évasion fiscale, que ce soit  dans le cadre de cette convention fiscale ou dans celui des législations fiscales nationales.

Avantages

Réduction des taux de retenue à la source sur les dividendes 

Le taux de retenue à la source sur les dividendes est réduit de 10 % à 5 % si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu’un « partnership ») qui détient directement au moins 25% du capital de la société qui paie les dividendes. De plus, aucun impôt ne devrait être retenu sur les dividendes, intérêts et gains en capital (autres que ceux liés aux biens immobiliers) perçus par des fonds souverains. Les taux d’imposition à la source demeurent de 10 % sur les intérêts et les redevances.

Avec la réduction des taux de retenue d’impôt à la source sur les dividendes, il ne sera plus nécessaire de créer des holdings intermédiaires dans des pays offrant actuellement un taux préférentiel d’imposition à la source vis-à-vis de la Chine (Hong Kong ou Singapour, par exemple) pour bénéficier d’avantages fiscaux. Cela reflète l’évolution du statut économique de la Chine et de son rôle au niveau mondial: la Chine entend continuer à attirer les investissements étrangers tout en investissant à l’étranger. La Chine a manifesté son intention de conclure ce type d’accord avec d’autres pays.

Mise à jour des dispositions concernant les gains en capital

L’Accord ne modifie pas les droits d’imposition sur les gains en capital provenant de transfert de capitaux vers le pays de résidence. Il précise toutefois deux cas dans lesquels le pays d’origine peut imposer une taxe :

  • Si l’entreprise en cours d’aliénation est une société de « biens immobiliers », c’est-à-dire une société qui perçoit plus de 50 % de sa valeur, directement ou indirectement, en biens ou actifs immobiliers situés dans le pays d’origine, pendant les 36 mois précédant l’aliénation;
  • Si l’entreprise en cours d’aliénation est une société non-détentrice d’actifs immobiliers significatifs, mais, détenue, ou ayant été détenue, directement ou indirectement, au cours des 12 mois précédant l’aliénation, à hauteur d’au moins 25% par le cédant. 

En dehors des deux situations ci-dessus, les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux mentionnés aux paragraphes 1 à 5 de l’Article Gains en capital ne sont imposables que dans l’Etat contractant dont le cédant est un résident. 

Établissement stable et bénéfices des entreprises

Conformément aux conventions fiscales récemment signées ou actualisées par la Chine au cours des dernières années, l’Accord apporte une définition plus claire de l’établissement stable et de la méthodologie de répartition des bénéfices. Cela devrait améliorer la confiance des investisseurs français opérant en Chine. 

Les changements portent sur les points suivants: 

  • Un établissement stable devra être constitué si la durée d’un projet de chantier de construction, d’assemblage ou de montage excède 12 mois (contre 6 mois dans l’Accord de 1984),
  • Pour les activités de prestation de services, un établissement stable devra être constitué si l’activité se poursuit pendant une période, ou des périodes, représentant un total de plus de 183 jours (contre 6 mois dans l’Accord de 1984) sur une période de 12 mois,
  • Toujours en matière de constitution d’établissement stable, l’exclusion des services de supervision liés à la vente ou location de machines ou équipements dans le protocole actuel est supprimée,
  • Dans le cadre de l’Accord, une entreprise dans un Etat contractant, par exemple la France, ne doit pas être considérée comme ayant un établissement stable dans l’autre Etat contractant, par exemple, la Chine, simplement parce qu’elle opère dans cet autre Etat par l’intermédiaire d’un agent indépendant (à condition que ce dernier agisse dans le cadre ordinaire de ses activités). Toutefois, lorsque les activités d’un tel agent sont exercées exclusivement ou presque exclusivement pour le compte de cette entreprise, et que sont convenues ou imposées entre cette entreprise et cet agent, dans leurs relations financières et commerciales, des conditions différentes de celles qui auraient été convenues entre entreprises indépendantes, alors l’agent n’est pas considéré comme jouissant d’un statut indépendant, ce qui entraîne la création d’un établissement stable. 

Le changement de 6 mois à 183 jours au cours de toute période de 12 mois est une mesure positive. Par exemple, dans le cadre de l’Accord de 1984, un établissement stable de service aurait été constitué pour des services fournis entre le 31 Mars (1er mois)  et le 1er Août (6ème mois), soit 124 jours; alors que, aux termes de l’Accord, il reste encore 59 jours d’activité avant que l’établissement stable ne soit créé. Cela est directement lié au calcul du nombre de mois, tout mois entamé étant considéré comme un mois complet.

Clarifications

Application du traité aux « partnerships » et autres entités similaires

En matière de fiscalité des « partnerships », les  législations fiscales nationales peuvent prévoir des traitements différents. Par exemple, un « partnership » est une entité imposable dans certains pays, mais perd ce statut dans d’autres, où ce sont les associés qui sont imposables sur leurs revenus. 

Lorsque les « partnerships » sont utilisés pour conduire des opérations transfrontalières ou des activités d’investissement, ils peuvent être exposés, du fait des divergences de traitement, soit à une double imposition, soit à une absence d’imposition en France comme en Chine, selon la manière dont la convention aura été interprétée. 

A cet égard, l’article « Résidence » de l’Accord  prévoit une disposition qui clarifie les avantages octroyés par la convention en ce qui concerne les revenus, bénéfices ou gains réalisés par des « partnerships » suivant six scénarios. La complexité vient du traitement « quasi transparent »  des « partnerships » en droit fiscal français, selon lequel le revenu imposable est calculé au niveau du « partnership » alors que ce sont les associés qui sont redevables des impôts. Un problème similaire existe pour les « partnerships » chinois. 

La complication est de déterminer le bénéficiaire des avantages des conventions fiscales : est-ce la personne « assujettie à l’impôt », à savoir le « partnership », ou le « résident », c’est à dire les associés ? Il s’agit pour la Chine de la première convention fiscale qui aborde ces problèmes d’interprétation, qui par ailleurs ont été précédemment soulevés dans de nombreux traités fiscaux conclus par la France avec, entre autres, le Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique ou le Japon. 

La disposition s’appliquent en référence aux critères suivant: 

  • source du profit, 
  • état dans lequel le « partnership »  est structuré, et 
  • détermination de l’entité imposable (c’est-à-dire le revenu doit-il être considéré comme étant celui du  « partnership »  ou celui des associés?).

Par exemple, si un revenu réalisé en Chine provient d’un « partnership » français, les avantages de l’Accord peuvent être accordés soit au partnership français, s’il est assujetti au regard du droit fiscal français, soit aux associés français résidant en Chine, s’ils sont considérés comme imposables selon le droit fiscal français.

Toujours selon cette approche, si le revenu réalisé en Chine résulte d’un « partnership »  chinois incluant des associés français résidant en Chine, les avantages de l’Accord ne seront pas applicables si ou la France ou la Chine considèrent que le « partnership » chinois n’est pas transparent.

La disposition s’applique également aux « partnerships » établis dans un pays tiers. Dans ce cas, la France et le pays tiers doivent qualifier le « partnership » de « transparent  » pour que l’Accord soit applicable  aux associés français résidant en Chine. La Chine n’appliquerait pas les avantages prévu par l’Accord aux revenus réalisés en Chine si la France considérait comme non-transparent le « partnership » du pays tiers.

Les défis

Ajout de dispositions anti-chalandage fiscal

Une disposition d’anti-chalandage fiscal a été ajoutée dans l’Accord visant les transactions ou montages abusifs. En outre, chacun des articles relatifs aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus renferme une clause de restriction apportée aux avantages si le principal objectif, ou l’un des principaux objectifs, de la transaction ou du montage est de procurer des avantages fiscaux excessifs. 

Cette clause est plus stricte que le test du bénéficiaire effectif utilisé dans de nombreuses conventions fiscales (notamment dans l’accord fiscal entre Hong Kong et la Chine). Il sera nécessaire de justifier l’intérêt commercial de la structure de la société afin de prouver que  l’objectif principal du montage, ou l’un d’entre eux, n’est pas de profiter des avantages de la convention fiscale.

L’article 24 de l’Accord prévoit la perte du bénéfice  des avantages fiscaux si le but principal de certaines opérations ou ententes est uniquement d’obtenir une position fiscale plus favorable. Cela permettra donc à la Chine d’appliquer ses règles anti-évasion fiscale et d’outrepasser les dispositions de toute convention fiscale.

Enfin, suivant la dernière version du modèle de convention de l’OCDE sur l’échange de renseignements, l’information qui peut être demandée par une des parties à l’autre partie au traité a été considérablement élargie et s’étend à ce qui est  « vraisemblablement pertinent » pour administrer le droit fiscal national.

Abolition de l’allocation de crédits d’impôt fictifs

La clause de crédit d’impôt fictif  de l’Accord de 1984, qui accordait un crédit d’impôt français sur les revenus passifs provenant de Chine indépendamment de l’impôt chinois réellement payé, a été supprimée. Néanmoins, les droits précédemment acquis pour certains revenus passifs sont maintenus pour une période limitée.

A retenir

  • L’Accord, qui suit globalement le modèle de convention de l’OCDE, mais avec un certain nombre d’adaptations, est conforme à l’approche adoptée par la Chine avec un certain nombre d’autres pays européens - dont la Belgique, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas, la Suisse et le Royaume-Uni - lors des discussions sur les traités de non double imposition.
  • Grâce à la réduction du taux des retenues à la source sur les dividendes, les holdings intermédiaires dans des juridictions comme Hong Kong et Singapour présentent moins d’intérêt, étant entendu que des avantages pourraient néanmoins subsister pour certains intérêts et redevances.
  • Il est impératif de noter que l’Accord intègre de nombreuses dispositions anti-chalandage fiscal, ainsi que des restrictions spécifiques apportées aux avantages fiscaux. Ces dernières, combinées aux dispositions sur l’échange de renseignements, indiquent la volonté de la Chine et de la France de lutter contre la planification fiscale agressive. Il est de ce fait judicieux d’évaluer sa structure et son organisation actuelles afin d’anticiper les défis à venir que comporte l’Accord.

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Document

Mazars - Lettre d'information - Nouvelle convention fiscale entre la Chine et la France signée en 2013